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9(1)suite
Les problèmes de méthode
1. Une première critique opposée à l’histoire orale est bien évidemment de l’ordre du temps : il serait impossible de remonter bien loin par ce biais. Or, dans le domaine de la tradition orale, on a montré la possibilité de remonter parfois de plusieurs siècles. J. Van Sina (1961) en Afrique Centrale, Ph. Joutard (1977) dans le Massif Central camisard (17e-18e s.) en apportent des preuves. Il m’est arrivé d’entendre parler de la révolution de 1830 par un vieil habitant de Bruxelles, se référant à une tradition familiale. D’un point de vue plus courant, il est possible (tant que les modifications intervenues dans la culture de nos sociétés, dans les transformations des modes de communication et d’information ne les ont pas bouleversées) d’obtenir encore des relations transmises par des grands-parents, voire de arrières-grands-parents, remontant à un siècle ; des informations obtenues des « formateurs » (enseignants, ouvriers plus anciens, personnel de maîtrise) remontant à la période d’avant la première guerre mondiale. De plus dans leur travail de compréhension, d’analyse du présent, les sociologues préparent aux historiens de demain des sources riches et variées, leurs prédécesseurs ont laissé aux historiens d’aujourd’hui des retranscriptions directes ou interprétées des sources orales anciennes.
2. Le monde industriel, celui des techniques, celui du travail imprègne t-il les consciences au point d’en faire un élément majeur de la mémoire ? Probablement plus que beaucoup d’autres aspects de la vie dans la mesure où ces mondes participent au quotidien, régulièrement répété et qui imprègne durablement sinon définitivement les consciences de ceux qui les pratiquent. Plus, ces éléments font partie d’une culture dont il est question rarement mais qui reste très vivante et qui rapproche les acteurs, même si leurs statuts sont très variés ou parfois même conflictuels.
A. Delattre (1965) ancien mineur devenu ministre socialiste du Travail, souligne dans ses « souvenirs », affirme que c’est le travail de la mine qui l’a rapproché de M. L. Gérard, ingénieur des mines devenu ministre des Finances, conservateur voire réactionnaire. Lors de la diffusion des émissions 150 ans de
vie quotidienne en Wallonie (RTB Namur, 1980), la parole a été très classiquement confisquée par des « notables » habitués à s’exprimer (enseignants, ecclésiastiques, fonctionnaires), pourtant, lorsqu’il a été question de la mine, le central téléphonique a été réellement submergé d’interventions « techniques » de mineurs de divers bassins, comparant leurs diverses pratiques. C’est la seule et unique fois où des ouvriers, nombreux, sont intervenus sur antenne.
3. La mémoire orale n’est-elle pas, par essence, difficilement contrôlable et porteuse des écarts les plus considérables par rapport à la réalité, comparée à d’autres sources d’information ? D’un point de vue théorique, rien ne permet de privilégier la mémoire écrite par rapport à la mémoire orale. Elles sont toutes deux perturbées par de nombreux filtres et d’importants brouillages.
Rien ne permet non plus de privilégier n’importe quelle source écrite par rapport à une source orale : l’une et l’autre doivent être soumises aux principes de base de la critique historique. Ce qui est écrit n’a pas, en soi, plus de valeur, plus de réalité que ce qui est retenu dans les mémoires. Je me souviens en particulier d’une brillante démonstration du professeur P. Bouvier disséquant impitoyablement un bilan du Crédit Lyonnais de la fin du 19e siècle et démontrant en quoi il était faux en raison d’erreurs, de la méconnaissance de la situation réelle de la banque, de la volonté délibérée de ne pas informer clairement les actionnaires de cette situation.
Ceci n’empêche pas que la mémoire orale doit être analysée, critiquée avec un maximum d’attention. Luc De Heusch a bien critiqué J. Van Sina, déjà cité, en relativisant l’historicité de la tradition orale et en soulignant en quoi elle est beaucoup plus porteuse de mythes et de légendes. Mais en cela même, elle est intéressante et permet à l’historien d’envisager les éléments du réel qu’elle véhicule mais aussi les mythes en les décrivant, en les interprétant et en éclairant leur fonction dans le récit [4].
4. Les pratiques de l’enquête orale sont aujourd’hui bien établies et des modèles existent pour chaque type d’entre elles. Tout en étant personnellement persuadé qu’il faut croiser dans tous les cas un maximum d’informations en présence de sources d’ordre varié, (oralité, textes, objets, iconographies, monuments ... etc), je pense que l’on peut distinguer :
a) l’utilisation classique du témoignage oral recherché pour compléter et enrichir l’information obtenue par les voies traditionnelles. la plupart des historiens ont recours aujourd’hui à cette pratique dans le domaine contemporain.
b) l’utilisation de quelques témoins privilégiés qui, en raison de leur statut, de leur place dans un système étudié sont censés apporter des informations indispensables. Tout réside bien sûr dans le concept même de témoin privilégié que d’aucuns récusent par ailleurs en craignant qu’en choisissant son interlocuteur, le chercheur n’expose en fin de compte, par ce biais, que l’a priori qu’il véhicule lui-même.
c) l’approche quantitative qui tend à multiplier les témoins entendus afin d’élargir au maximum l’information : interroger, par exemple, tous les habitants d’un
village à propos de ce village, ce qui n’a d’intérêt que dans une perspective d’animation et non
de recherche. Il est possible de privilégier certains témoignages
ou d’établir ce que les sociologues appellent un quota qui doit en principe apporter
l’information recherchée. D. Bertaux (1976) a montré dans ce cas le phenomène de saturation. Quand un certain nombre de personnes de même statut sont interrogées sur les mêmes questions, on se rend compte qu’au bout d’un certain temps plus rien de neuf n’est obtenu et qu’il suffit donc, selon la nature et la complexité
des problèmes, de s’en tenir à un nombre X d’interviewés.
d) Enfin il est possible, en raison de la vie même d’un témoin ou de sa capacité hors du commun à la restituer, de s’attacher à une seule relation dont on tente d’extraire le maximum de signification. C’est le cas exemplaire de Tante Suzanne de M. Catani (1982).
[1] On peut cependant considérer comme dignes d’étude et de conservation certains bâtiments administratifs particuliers, comme par exemple un bureau de postes.
[2] Par exemple, et pour se limiter au domaine français :
E. Carles, Une soupe aux herbes sauvages, s.l., 1977 ; A. Sylvère, Toinou, le cri d’un enfant auvergnat, Paris, 1980 réécrit par J. Malourie. Dans un autre registre, M. Gray, Au nom de tous les miens, Paris, 1971 réécrit par Max Gallo ou P.J. Helias, Le Cheval d’orgueil, mémoires d’un Breton du pays bigouden, Paris, 1975.
[3] cf. l’excellente introduction à la problématique de l’histoire orale de J.P. Rioux, Histoire orale : essor, problèmes et enjeux, dans Cahiers de Clio, 75-76, 1983, pp. 29-48, parue dans un numéro thématique consacré à l’histoire orale appliquée à l’enseignement ; R. Thompson, Historiens et histoire orale dans Mémoires collectives. Actes du Colloque d’octobre 1982, Bruxelles, 1984 pp. 281-295. Voir aussi l’exposé systématique de J. Poirier, S. Clapier-Valladon, P. Raybaut, Les récits de vie. Théorie et Pratique, Paris, 1983 ainsi que H. Gaus, B. De Graeve, F. Simon, A. Verbruggen-Aelterman, Alledaagsheid en mondelinge geschiedenis, Gent, 1983.
[4] Citons ici quelques ouvrages-cadres pour l’interprétation de la mémoire orale : M. Halbweghs, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, 1975 (réed.) ; A. Leroy-Gourhan, Le geste et la parole, 2 vol. Paris, 1965 ; P. Bourdieu, Ce que parler veut dire, Paris 1982 R. Thompson, The voice of the past, Oxford, 1978. Voir aussi divers textes édités dans Mémoires Collectives, Actes ... op. cit. P. Charaudeau Langage et discours. Paris 1983.
[5] Par exemple, en Belgique, les réalisations du laboratoire Paul Brien d’Etude de l’Environnement à Treignes (ULB) et du Musée de la Pierre à Maffle (cf. Mémoires collectives, op. cit., et Cahiers de Clio, op. cit.).
[6] C. Billen, Le portrait du patron, texte présenté au Ve Congrès international d’histoire orale à Barcelone, 1985.
Voir aussi D. Voldman, Entretiens avec les reconstructeurs, Contribution à l’étude d’un groupe de décideurs (France 1940-1950), Documents du Congrès cité ci-dessus, pp. 497-504 ; A. Pinol, Transformation du travail et histoire orale. L’exemple de la rationalisation aux usines Berliet pendant l’entre-deux-guerres, 4e Colloque International d’histoire orale, Aix en Provence, 1982, pp. 507-519.
[7] Moniteur belge du 31 décembre 1980.
[8] Moniteur belge du 15 août 1980.
[9] Moniteur belge du 5 septembre 1931.
[10] Moniteur belge du 10 septembre 1976.
[11] Arrêté du 7 août 1976.
[12] Arrêté du 30 juin 1982.
[13] Arrêté du 14 mars 1979.
[14] Arrêté du 16 octobre 1975, avec extension le 7 juillet 1976.
[15] Arrêté du 17 avril 1980.
[16] Arrêté du 24 mars 1978.
[17] Arrêté du 1er juin 1978.
[18] Arrêté du 7 novembre 1978.
[19] Arrêté du 13 octobre 1980.
[20] Arrêté du 30 juin 1982.
[21] Arrêté du 20 mai 1983.
[22] Cet article doit beaucoup à celui qui a été publié par Mme Ghislaine De Bièvre, Directeur de l’Administration du Patrimoine culturel dans le n° 1 (4ème trimestre 1984) de Patrimoine Industriel (Bulletin trimestriel de l’A.S.B.L. « Patrimoine industriel Wallonie-Bruxelles ») pp 8-9, sous le titre « Activités de la Communauté française en matière d’archéologie industrielle ».
[23] De wet van 7.8.1931 op he ! behoud van monumenten en landschappen bepaalde het behoud van wat in historisch, artistiek of wetenschappelijk opzicht van nationaal belang was. Het decreet van 1976 kadert in deze wet, die geldig blijft voor de Brusselse Agglomeratie en voor de bescherming van landschappen.
[24] In 1972 wordt de Rijksdienst voor Monumenten- en Landschapszorg (R.M.L.Z.) opgericht.
Deze dienst wordt operationeel vanaf 1973.
De Koninklijke Commissie voor Monumenten en Landschappen - Nederlandstalige Sectie - stelt zich onmiddellijk positief op tegenover de industrieel-archeologische beschermingsvoorstellen van de R.M.L.Z. In 1983 wordt de R.M.L.Z. in de Vlaamse Administratie opgenomen onder de benaming : Bestuur Monumenten en Landschappen (B.M.L.). Het B.M.L. bezit een « afdeling industrieel erfgoed », opgericht in 1977.
[25] Het industrieel erfgoed wordt systematisch opgenomen in de inventarissen « Bouwen door de eeuwen heen, in Vlaanderen », uitgegeven door het Ministerie van Cultuur.
Het samenstellen van gedetailleerde tematische inventarissen per bedrijfstak, zou echter de evaluatie van het industrieel erfgoed in hoge mate vergemakkelijken.
[26] De subsidiëring gaat van 30/50 % (privé-initiatief) tot 60 % (overheidsinitiatief). Het Besluit van 30.3.83 bepaalt de erkennings- en betoelagingsmodaliteiten voor herwaarderingsgebieden.
[27] De subsidiëring wordt geregeld door het « decreet houdende de bekrachtiging van het Besluit van de Vlaamse Executieve van 1 juli 1982 tot bepaling voor het Nederlandse taalgebied van de verdeling der kosten voor werken aan beschermde monumenten dd. 17.11.1982 ».
[28] Besluit van de Vlaamse Executieve dd. 27.3.85 (ter vervanging van het Min. Besluit van 21.10.80).
Uitzonderlijk kan deze som tot 2.000.000 F opgetrokken worden.
[29] Zie hierover : Witboek van het Cultureel Onroerend erfgoed, Koning Boudewijnstichting, Brussel 1981, pp. 37 e.v.
[30] Wet van 29.3.1962 houdende organisatie van de Ruimtelijke Ordening.
- Koninklijk Sesluit betreffende de inrichting en de toepassing van de ontwerpgewestplannen en gewestplannen van 28.12.1972.
[31] Zie hierover : Algemeen Reglement van de Arbeidsbescherming (ARAB), Titel I.
[32] Deze gevallen kunnen bijvoorbeeld op advies van het Bestuur Monumenten en Landschappen worden aangeduid.
[33] Hiervan bestaan er spontane voorbeelden zoals : SANTENS N.V., Watermolenweg 2-4 te Oudenaarde, gevestigd in een textielfabriek van rond 1900
[34] Zie hierover J. Verhelst, De archiefwet en haar uitvoering, in : Monumenten en Landschappen, 2e jg. nr. 6 nov.-dec. 1983.
[35] Over Europese regelingen kunnen wij het vooralsnog nog niet hebben. Dit valt buiten het bestek van dit artikel.
Wel willen wij verwijzen naar de regelingen in het kader van het Europees Fonds voor Regionale Ontwikkeling : bepaalde tewerkstellingsprojecten kunnen hiermee gesubsidieerd worden, wat voor het industrieel erfgoed een laterale steun kan betekenen. Waarom zouden aldus projecten, die oudere of ambachtelijke technieken op economische basis toepassen, niet kunnen gepromoveerd worden ?
Ook hiermee is de industriële archeologie uiteraard gebaat.
[36] Comité d’Information et de Liaison pour l’Archéologie, l’Etude et la Mise en valeur du Patrimoine industriel, 48, rue Saint-Lambert, F-75015 Paris.
[37] Voir ci-dessus : Jacques Liébin, Le patrimoine immobilier.
[38] Bois-du-Luc 1685-1985, Ecomusée régional du Centre, La Louvière, 1985, 180 pages.
[39] Rue de la Colonne, 1 à 1080 Bruxelles.
[40] Au Bois-du-Luc, un Centre de Recherche en Fonderie a été installé dans l’ancienne fonderie du charbonnage.
[41]
La rénovation des Carrés du Bois-du-Luc, malgré sa lenteur, nous paraît un bon exemple de réhabilitation d’un habitat ouvrier ancien (1838-1853).
[42] Ecomusée de Fourmies-Trélon (France), rue François Deleplace, F-5910 Fourmies.
[43] Linters A. ea. Industriële Archeologie-Renovaties, Gent 1985.
[44] Kidney W.C. Tamera Stichting vzw. mededelingsblad nr. 1 jrg. 1 p. 3-14, Hasselt 1974.
[45] Wissels R., Een industrieel-archeologisch museum te Hasselt in Hasselt tussen korrel en
borrel Hasselt, 1981, p. 79-84.
[46] Kidney W.C. Working Places. The adaptive use of industrial buildings ; 1976.
[47] Kidney W.C. Historic preservation of engineering works, New York 1978.
[48] Alfons Thijs, Industrial archaeology as a branch of the study of the history of material culture, some theoretical and methodological considerations, dans Revue Belge d’Histoire Contemporaine, t. VI, 1975, 1-2, pp. 145-157.
J. Pazdur, L’histoire de la culture matérielle en Pologne, dans Annales, Economies, Sociétés, Civilisations, t. 17, 1962, pp. 75-84.
[49] J. Liébin, Le site industriel du Bois-du-Luc, base de l’Ecomusée régional du Centre, dans Bois-du-Luc 1685-1985, La Louvière, 1985, pp. 127-129 (la notion d’Ecomusée).
[50] The Institute of Industrial Archaeology. Master’s and diploma courses, Ironbridge Gorge Museum, Ironbridge, Telford, Shropshire TF8 7AW, U.K,
[51] T. O’Driscoll. Tourisme et patrimoine. In Forum, Conseil d’Europe, n° 24, 1984, p. 3-4.
H. Behague. Itinéraires pour découvrir le patrimoine industriel. In Forum, Conseil d’Europe, n° 24, 1984, p. 14-15.
[52] M. Kosters. Focus op toerisme. ’s Gravenhage, 1981, p. 4-13.
[53] Ons industrieel erfgoed. Jaarboek Vlaamse Vereniging voor Industriële Archeologie, dl 1, Gent, 1982, p. 28.