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SUR LE CONCEPT
D’HISTOIRE DES TECHNIQUES
Jean C. BAUDET
Ingénieur industriel AIIBr
Docteur de l’Université de Paris
Samenvatting
Over het concept van de geschiedenis van de techniek
Analyse van de geschiedschrijving van de techniek. De bindingen tussen de geschiedenis van de techniek en de industriële archeologie, worden in het kort belicht.
Abstract
About the concept of the history of techniques
The epistemological analysis of the history of techniques shows that this branch leads to work out, either a recurrent history, or a history which strictly refers to events. The relations between history of techniques and industrial archaeology are concisely discussed.
Les uns entassent les fagots du bûcher ;
les autres apportent l’étincelle.
(d’après Henri F. Amiel)
De l’utilité des ébauches
Il existe des auteurs tellement soucieux de qualité et si totalement respectueux de leur public qu’ils n’offrent à leurs lecteurs que des
ouvrages parfaits. Au risque d’ailleurs de ne jamais rien leur faire lire (l’idée de perfection rejoignant ici, non sans profonde signification, le
concept de néant), car accumulant fiches et documents au cours de longues recherches, des décennies se passent avant qu’enfin paraisse
la somme tant attendue, si rien n’a contrarié un tel projet. Cette méthode de travail, quand elle aboutit, est excellente.
D’autres auteurs, pressés, par je ne sais quelle pulsion, de soumettre à la réflexion du lecteur des idées qu’ils auraient peut-être dû soumettre
d’abord à leur propre jugement, publient des esquisses, des ébauches, des textes insuffisamment mûris, mais enfin ils publient. Leur respect
du lecteur consiste non pas à lui fournir de bonnes choses, mais à lui fournir quelque chose.
Cette seconde méthode de travail, qui aboutit plus constamment que la première, n’est pas mauvaise.
Nous ne traitons évidemment ici ni de l’écrivain (qui est, comme chacun sait, toujours plus ou moins homme de génie), ni du folliculaire, pour
lequel les considérations qui précèdent sont remplacées par celles, bien plus déterminantes, de la séduction : un publiciste séduit son public, un
écrivain, superbement, l’ignore. Nous ne prétendons penser qu’à l’auteur scientifique, ce modeste chercheur qui n’écrit que pour le « petit public » de
ses pairs. Et, plus restrictivement encore, nous ne traitons que de l’historien des techniques, c’est-à-dire, puisqu’en Belgique cette variété est
inconnue, de l’ingénieur, de l’historien généraliste, de l’historien de l’art, de l’architecte, du sociologue, du géographe et de l’économiste.
La science étant une accumulation de connaissances résultant de la collaboration de spécialistes, il est indiqué que ceux-ci
ne tardent pas dans la publication de leurs résultats. Même s’il ne s’agit que d’ébauches ou d’esquisses, le chercheur ne peut pas différer
l’annonce de ses trouvailles ou l’exposé de ses réflexions [2]. L’historien des techniques (c’est-à-dire l’ingénieur, l’historien généraliste, etc.) n’a pas
plus de raison que ses collègues des autres disciplines de surseoir à la publication de ses résultats, qu’il s’agisse de collecte de données ou de
réflexion théorique. Les ébauches sont souvent utiles. Nous ne prétendons pas présenter ici plus qu’une ébauche, nous espérons qu’elle sera utile
pour certains.
[1] prodrome d’une notice qui paraîtra dans la Biographie nationale de Belgique (NDLR).
[2] Lire, sur la question de l’urgence de publier, l’article de Gaston (1972) dans La Recherche.
[3] Les techniques sont des modes d’appropriation du monde : le ciel est à qui sait voler (de Beauvoir, 1944.)
[4] Les questions de vocabulaire se compliquent encore (à moins qu’elles ne s’éclaircissent) quand on prend en considération les usages anglo-saxons. Il est indéniable que l’usage actuel, en français,
du mot technologie vient partiellement d’une contamination par l’anglais (Saint-Sernin, 1976).
[5] C’est la définition de l’homme que l’on trouve chez Jean Rostand (1954), qui précise : petit-fils de poisson, arrière-neveu de limace, bête saugrenue qui devait inventer le calcul intégral et rêver de justice.
[6] L’expression se trouve chez Bachelard, et s’adresse plutôt à la science. C’est que le mot appliqué n’est pas, dans l’épistémologie de l’Ecole française, utilisé dans sa pleine acception.
[7] Désirs. Ce mot, qu’il est impossible de ne pas rapprocher du mot péché, nous éclaire sur la suspicion ou le mépris qui s’attachent à la technique dans certaines cultures. Voir Tovmassian, 1976,
qui analyse l’attitude « idéaliste-bourgeoise » face au travail, sans aller à l’essentiel, étant prisonnier d’un système de pensée qui n’incite guère à la réflexion personnelle ; voir aussi Auzias, 1964, plus
subtil.
[8] Et autres spécialistes de formation à dominante juridique et littéraire : sociologues, économistes.
[9] Quand il existe. Il n’y en a pas, nous l’avons déjà dit, du moins de jure (c’est-à-dire avec grade et diplôme) en Belgique. D’autres pays, où le nombre d’établissements de niveau
universitaire par km² est moins élevé que chez nous, en produisent d’excellents. L’hybridation est délicate. Je ne sais plus qui disait que la médiocrité de la science des philosophes n’a
d’égale que l’inanité de la philosophie des savants. Un autre disait que l’historien des techniques parle d’histoire avec les techniciens et de technologie avec les historiens, ce qui est fort
confortable.
[10] Il faudrait étudier l’association d’idées « technologie-machine », qui révèle une conception singulièrement rétrécie (et erronée) de la technologie.
[11] Il faut aussi prendre en considération les territoires : archéologie américaine pré-colombienne, extrême-orientale, etc. Cela a son importance pour l’archéologie industrielle : est-ce uniquement de l’Occident qu’il s’agit ?
[12] Pour la position épistémologique de l’archéologie industrielle et de l’archéologie contemporaine, nous nous permettons de renvoyer à notre article : Baudet, 1979.
[13] Pendant plus de 11 ans, j’ai exercé la fonction de dessinateur d’études à ladite société ; j’y étais également délégué syndical et membre de la commission de sécurité et d’hygiène.
[14] Cet historique complètera les travaux déjà publiés sur les laminoirs de la région :
Hansotte, 1955 ; Hansotte et Hennau, 1979.
[15] Hier moet onderstreept worden, dat Prof. ir. Quintyn de uitgever is van het tijdschrift Sartonia, gewijd aan de geschiedenis van de wetenschap en techniek. Sartonia en Technologia zijn de enige Belgische tijdschriften die zich met deze discipline inlaten.