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Cette extension provoqua un afflux de travailleurs venant du reste de la province du Hainaut, du Brabant et des Flandres. Voici quelques chiffres : 15 ouvriers en 1700 ; 85 en 1780 ; 245 en 1810 ; 520 en 1830 ; 958 en 1860 ; 2.800 en 1900 ...

L’âpreté du métier de mineur et les appels d’autres industries détournèrent les Belges du charbonnage, surtout à partir de 1940 ; il y avait, à cette époque, 8 % d’immigrés ; ils étaient 65 % au moment de la fermeture (au fond, 75 %) [11] ...

Mis en route par les épreuves ou par les guerres, ou bien séduits par une publicité prometteuse, ils vinrent de 33 nations différentes : presque toute l’Europe, l’Afrique du Nord, la Turquie, le Brésil... Sans leur participation, l’exploitation de nos mines aurait dû cesser dès 1950.

La production de Bois-du-Luc fut énorme : 64.000.000 de tonnes de charbon qui se répandirent dans toute la Belgique, mais aussi en France, en Suisse, en Italie, en Hollande, en Scandinavie, au Maroc... Il faut y ajouter plus de six millions de tonnes de coke et 225.000 tonnes de sous-produits : ammoniaque, benzol, goudron, huile légère, naphtaline...

A la pointe du progrès technique

Dès sa fondation, Bois-du-Luc eut recours à des procédés techniques importants et ingénieux. En 1685, le principal problème était celui de l’exhaure. On exploitait à flanc de côteau ; mais l’inclinaison progressive des couches charbonneuses bloquait les charbonniers qui ne pouvaient risquer constamment leur vie dans les veines inondées. Les maîtres ouvriers imaginèrent la mise en place d’un « Grand Conduit », énorme drain de chêne, fait de troncs évidés ajustés bout à bout, et qui permit l’assèchement rapide des terres exploitées. La mise en place et l’entretien de ce conduit exigèrent des efforts considérables ; mais l’expérience était payante. Plus tard, ce
drainage fut étendu plus largement : près de dix kilomètres de « buses » permirent l’expansion continue de la société [12] .

En 1780, les sondages réalisés à Bois-du-Luc [13] amenèrent les associés à oser de nouvelles et importantes dépenses : à grands frais, ils firent installer une « pompe à feu » capable de puiser l’eau à une profondeur de 112 m ; elle se composait d’un cylindre de 45 pouces de diamètre actionné par un balancier aux mouvements lents, mû par une chaudière en marmite [14].

En 1806, une deuxième « machine à épuisement » fut mise en place ; elle avait une puissance de 75 chevaux ; une troisième, installée à la fosse Saint-Emmanuel, était quatre fois plus importante...

Dès le début du 18ème siècle, Bois-du-Luc développa ses ateliers : menuiserie, fonderie, forge, ateliers mécaniques... Cette richesse technique se développa sans discontinuer, grâce au zèle des artisans et ingénieurs de toutes époques ; c’est à Bois-du-Luc que furent mises au point les fameuses lampes Demeure [15] ; l’abattage au marteau-piqueur y fit son apparition en 1908 et fut systématisé en quelques années. On utilisa longtemps le modèle RIMO [16] , construit entièrement dans les ateliers de la Société ; plus tard, les marteaux-piqueurs Colinet, plus souples et plus légers, furent progressivement adoptés.

[1 Bois-du-Luc est maintenant une paisible localité qui semble sommeiller aux côtés de terrils boisés ; elle se situe en plein cœur de l’importante commune de La Louvière.

[2Principales sources : Archives anciennes du Charbonnage du Bois-du-Luc, aux Archives de l’Etat à Mons ;
J. Plumet, Une Société minière sous l’Ancien Régime, Gembloux, 1941 ;
V. Delattre, J. Plumet & O. Heyndrickx, Les Charbonnages de Bois-du-Luc et d’Havré, notice historique, Bois-du-Luc, 1935.

[3 Le texte complet du contrat de 1685 est repris in extenso dans l’ouvrage de J. Plumet, p. 21 et sq.

[4 A l’origine, les ouvriers fondateurs détenaient deux dixièmes des parts de fosses ; en 1871, ils n’en possédaient plus que 5 % (Archives anciennes, vol II, folio 40 et sq.).

[5 Jusqu’au début du 19ème siècle, le nom officiel de la Société fut "Société de Houdeng et du Grand Conduit ».

[6 La fosse du Quesnoy descendait jusqu’à 950 m ; celle de Beaulieu, mise en service en 1935, atteignit la profondeur de 1.052 m.

[7Vers 1750, 8 ouvriers sur 10 étaient descendants ou apparentés aux charbonniers fondateurs.

[8 L’Assemblée Générale réunissait tous les principaux actionnaires ; pour en faire partie, il fallait posséder ou représenter au moins un vingtième des parts ; jusqu’au début du 20ème siècle, ce fut l’organe permanent de contrôle et de direction du charbonnage.

[9La situation était délicate pour les maîtres charbonniers de l’époque : d’une part, l’emprise révolutionnaire française les délivrait de diverses taxes féodales ; d’autre part, les Wavrin, seigneurs de Houdeng, détenaient quatre dixièmes des parts de fosses. Ils rachetèrent la seigneurie et revendirent tout de suite aux Wavrin leur château et ses dépendances (Archives anciennes, vol. II, folio 17).

[10Cela représentait, au total, une concession de 5.708 hectares ; une seule autre concession du bassin sud de Belgique était plus importante (Plumet, Delattre, Heyndrickx, op. cit., p. 112).

[11 Source : Statistiques FEDECHAR.

[12 En 1926, un morceau de ce conduit en chêne fut découvert à Génival, au bord du Thiriau du Sart, non loin des premières fosses de Houdeng.

[13A la fin du 18ème siècle, cette localité était couverte presque entièrement par un bois, traversé par le ruisseau du Lucq (mot d’origine celtique qui signifie étang).

[14 Plumet, op. cit., p.88.

[15L’ingénieur Adolphe Demeure était fort estimé par toute la population de Bois-du-Luc ; il avait obtenu divers brevets, notamment pour la fabrication du coke. Il quitta son poste d’ingénieur principal suite a un différend avec la Direction ; il devint ensuite directeur des Charbonnages de Limbourg-Meuse, en Campine (Archives anciennes, vol. 68, p. 540 et sq.)

[16 Ce marteau-piqueur avait été mis au point par l’ingénieur Richard et par le chef d’atelier Monoyer. Jusqu’à ce jour, les responsables du Musée de la Mine, à Bois-du-Luc, n’ont pas encore réussi a en retrouver un exemplaire.

[17Au moment de la fermeture, les pires menaces pesaient sur la cité de Bois-du-Luc ; on parlait de tout raser ; d’autres voulaient que l’ensemble disparaisse peu à peu. L’énergie des habitants rencontra heureusement la volonté d’Alfred Califice, alors Secrétaire d’Etat au Logement, qui voulait faire de Bois-du-Luc un modèle de rénovation urbaine.

[18L’architecte des Carrés est Victorien Bourg, alors sous-directeur des Charbonnages de Bois-du-Luc ; l’analyse des constructions, de la topographie et des rapports d’Assemblée prouve qu’il n’y eut pas de plan général précis, mais seulement un projet d’ensemble fréquemment amendé au gré des circonstances et dans le souci permanent de réaliser une véritable œuvre architecturale.

[19La première école se tint dans les Carrés, au n° 1 de la rue du Midi.

[20L’église, construite en 1905, coûta 95.000 francs ; le Charbonnage donna le terrain et versa 75.000 francs ; l’Etat paya 15.000 francs ; le Gérant du Charbonnage ajouta la différence.

[21Durant 50 ans, ce fut un véritable "centre culturel » : projections, théâtre, concerts, floralies, expositions... Cette salle pouvait accueillir plus de 1.200 personnes.

[22 Bois-du-Luc vivait pratiquement en économie fermée ; les relations culturelles avec l’extérieur étaient pourtant fréquentes, par le canal des nombreuses associations sportives, artistiques ou autres qui animaient la vie de Bois-du-Luc.

[23La plupart des châssis à molettes et des grandes constructions métalliques de la Société furent réalisés par les usines Nicaise-Delcuve, de La Louvière ; mais pour Saint-Emmanuel, Monsieur Descampe, directeur-gérant du charbonnage écrivait, en date du 3 juillet 1912 : « La Société fait elle-même ses pièces de fonderie d’usage courant, de même que les charpentes métalliques, ne reculant pas devant l’entreprise d’un châssis a molettes" (Archives anciennes, recueil n° 162, p. 524).

[24Plus de 220 mineurs sont morts dans les fosses de Bois-du-Luc ou dans les installations de surface ; il y eut aussi des milliers d’accidents de moindre gravité. Il faut ajouter que beaucoup d’habitants actuels des Carrés ont quitté leur pays d’origine à cause des guerres ou de la misère.

[25Le Musée est animé par des bénévoles ; il est normalement ouvert le samedi et le dimanche, de 14 à 17 heures ; se renseigner éventuellement auprès de Madame L. Monoyer (tél. (064) 22 76 57), de Monsieur J. Meurant (tél (064) 22 40 83) ou de l’Abbé R. Pourbaix (tél. (064) 22 64 18). On peut se procurer le catalogue du Musée en envoyant 50 F à J. Meurant, Castillon, 8, 7110 Trivières.



















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