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Morris BERMAN (1978)
Social change and Scientific Organization - The Royal Institution, 1799-1844 Ed. : Cornell University Press ; Ithaca, New York, XXV + 224 p., 28 pl. (noir et blanc).
Voici un livre qui, basé sur l’étude fouillée des débuts de la Royal Institution, tente l’analyse des relations entre science, science appliquée, organisation de la recherche et changements sociaux. Cela pendant une période certes particulière de l’histoire de l’Angleterre, alors que celle-ci vivait sous l’influence de la dual revolution (conjonction de la révolution industrielle et de la révolution française). Mais l’auteur vise plus loin : il est évident qu’il désire faire œuvre exemplaire, et que son étude soit considérée comme modèle pour des travaux d’un intérêt plus brûlant, relatifs par exemple à l’action contemporaine de la science sur la société ... Ouvrage exemplaire en effet : l’intéressante iconographie, les données statistiques, et surtout une bibliographie très abondante (comprenant aussi les références à des documents inédits et au matériel d’archives exploité par l’auteur) et un index commode font de ce livre un outil de travail efficace pour le chercheur.
L’on y trouvera cinq chapitres : Foundation of the Royal Institution, The "Society of Husbandry ... in Albermarle Street", Industry and Empire :
Competition for the control of science, Toward a Rational Society, A Portrait of Michael Faraday. Une part très importante de cette étude est réservée aux personnalités, et cela résulte d’un choix méthodologique qui semble heureux en l’occurence : on sait qu’on appelle prosopographie cette technique d’analyse des changements idéologiques qui se base sur la recherche des caractéristiques communes au groupe d’acteurs intervanant dans l’évolution historique en cause, au moyen d’une étude biographique collective.
Le point de départ de l’auteur ne sera peut-être pas le point de vue de tout le monde. Influencé par certaines idéologies, il présente en effet la science précisément comme une idéologie ... Mais le propos de l’auteur n’était pas une critique de la science, et il faut lui savoir gré de préciser ses convictions, ce qui situe le sens de ses préoccupations et l’orientation de ses recherches.
J.C. Baudet
H.J.P. ARNOLD (1977)
William Henry Fox Talbot
Pioneer of photography and man of science
Ed. : Hutchinson Benham, London, 383 p., 107 photos.
Comme nous le révèle une note liminaire, ce livre est le résultat de 18 mois de recherches, qui ne furent possibles que grâce au mécénat de la Kodak Limited, qui voulait commémorer dignement la mémoire du grand inventeur à l’occasion du centième anniversaire de sa mort. C’est chose faite, car le livre accumule sur un des pionniers de la photographie nombre de documents du plus haut intérêt : non seulement une abondante iconographie, mais aussi de larges extraits de lettres, et des textes montrant tous les aspects des préoccupations scientifiques d’un personnage attachant : calcul intégral, optique, astronomie, botanique, étymologie, et même déchiffrement des cunéiformes. L’auteur ne manque pas de s’interroger : Talbot moins dispersé n’aurait-il pas produit, en se limitant à une seule discipline, une contribution plus profonde encore à la science ou à la technique ? Mais un homme comme Talbot, comme les hommes de la Renaissance (et le XIXe siècle ne fut-il pas un peu une Renaissance ?), pouvait-il se limiter ?
Un livre essentiel pour les historiens de la photographie et des arts graphiques.
J.C. Baudet
[1] COBELPA, l’Association des Fabricants de Pâtes, Papiers et Cartons de Belgique, regroupe 16 entreprises (22 usines), avec une production annuelle de l’ordre de 800.000 tonnes.
[2] Savoir : ensemble de propositions acceptées par une certaine communauté. Chaque communauté étant localisée dans le temps et dans l’espace, la relativité des savoirs procède immédiatement de cette définition. Notons qu’une science est un savoir caractérisé à la fois par des particularités au niveau de l’acceptation des propositions (les exigences spéciales de la vérité établie "scientifiquement"), et au niveau de la communauté qu’elle concerne (le "monde scientifique"). Notons aussi que ce relativisme est pour nous une évidence sociologique, mais n’a pas nécessairement de prolongement sur le plan gnoséologique. La théorie de la connaissance peut certes baser ses réflexions sur des données sociologiques et psychologiques, mais il n’est pas du tout sûr que ces données suffisent au stade de l’exigence philosophique. Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà : bien sûr, mais ne concluons pas trop vite qu’il n’y a pas de vérité du tout.
[3] Deux textes sont à signaler pour l’étude des classifications des sciences :
Piaget (1967) et Kedrov (1977).
[4] Signalons deux articles antérieurs, abondamment illustrés : van den Abeelen (1973, 1975). Dans le premier de ces articles, quelques indications bibliographiques sur l’idée de la Révolution industrielle. Comme pour de nombreux historiens, la Révolution industrielle est pour cet auteur un phénomène socio-économique reproductible : la phase d’industrialisation, souvent assez explosive, d’une région quelconque. Ce n’est pas l’acception acceptée par tout le monde, et les historiens des techniques, par exemple, rejettent cette utilisation abusive (et peut-être naïve ?) du terme. Ainsi Daumas (1968) : "Cependant l’utilisation du même terme de révolution industrielle pour désigner la phase d’industrialisation des différents pays du monde, qui s’est partout produite après celle de la Grande-Bretagne, est difficilement acceptable. Encore serait-elle tolérable pour la France lorsqu’on étudie la première moitié du XIXe siècle ; mais elle doit être rejetée lorsqu’il est question des pays de l’Europe centrale et de l’Europe de l’Est. Le phénomène a peut-être quelques traits communs au point de vue économique, au point de vue social et technique il est totalement différent. En particulier aucun pays n’a été, comme la Grande-Bretagne entre 1780 et 1800, un foyer d’inventions et d’innovations aussi cohérent et aussi autonome. L’industrialisation, et quand nous parlons d’industrialisation nous entendons aussi bien l’apparition des procédés de production modernes que l’implantation des chemins de fer ou la distribution du courant électrique, l’industrialisation s’est faite par des emprunts aux pays initiateurs et l’assimilation de ces emprunts de façon suffisamment complète pour que le pays en question prenne rang à son tour de pays initiateur. Dans cette perspective il est difficile de prétendre qu’une révolution industrielle se soit produite à la fin du XIXe siècle aux Etats-Unis. Il serait erroné de parler de révolution industrielle à propos de la Chine, ou de pays africains de la seconde moitié du XXe siècle." Il convient toutefois de signaler que l’on a pu soutenir la thèse d’une Révolution industrielle ... au Moyen Age (Gimpel, 1975).
[5] Archéologie contemporaine peut surprendre, mais l’on s’est fait à archéologie industrielle, pourtant plus ambigu. Si l’on projette une histoire contemporaine, il importe d’abord d’en rassembler, d’en conserver et d’en critiquer les sources. Ce sera la tâche de l’archéologie contemporaine pour les sources non écrites (tâche qu’il sera difficile de circonscrire pour les documents audio-visuels si caractéristiques de notre temps). Les publicitaires font de l’archéologie contemporaine sans le savoir quand ils présentent leurs produits, en en exaltant le caractère sophistiqué et ultra-moderne par comparaison avec des produits homologues "vieillis". Voir, pour ne prendre qu’un exemple, la couverture de l’Annuaire officiel Belge des Téléphones de 1978-79 qui montre en photos superposées trois postes téléphoniques : un très ancien modèle en bois et cuivre, un modèle déjà "dépassé" avec cadran d’appel rotatif, et le modèle récent à clavier
[6] P. Riden (1973), cité par van den Abeelen (1973).
[7] L’écologie industrielle étant l’histoire naturelle d’une espèce, Homo sapiens, et d’un biotope : le milieu industrialisé. Nous croyons utile de signaler un pénétrant article d’écologie scientifique : Duvigneaud (1974), consacré à l’écosystème urbain. Les relations entre industrialisation et urbanisation sont évidentes, et expliquent les connexions entre archéologie industrielle et écologie urbaine.
[8] Toute l’archéologie, comme aussi les sciences naturelles, est principalement un art de collectionner. Et l’on sait que ce sont les domaines privilégiés du divertissement à prétexte scientifique. Du reste, les motivations de l’archéologie divertissante seraient peut-être encore à rechercher ailleurs : on a dit parfois que la fouille de l’archéologue ressemble à l’enquête de l’inspecteur judiciaire, et l’on connaît le succès contemporain du roman policier ...